Les solutions de financement public pour les startups deeptech
Considérées comme des acteurs clés de la souveraineté technologique, les startups deeptech suscitent un intérêt croissant de la part des investisseurs comme des pouvoirs publics. À la croisée de la recherche scientifique et de l’innovation de rupture, ces jeunes pousses évoluent dans un cycle long, complexe et capitalistique ce qui rend la question du financement particulièrement cruciale.
Si le capital-risque joue un rôle évident, il ne suffit pas. Les solutions de financement public non-dilutif sont devenues indispensables pour accompagner la croissance des projets deeptech sur le long terme, sans affaiblir leur structure capitalistique.
Qu’est-ce qu’une startup deeptech ?
Selon Bpifrance, une startup deeptech présente quatre caractéristiques fondamentales :
1. Elle est issue ou en lien fort avec un laboratoire de recherche (public ou privé).
2. Elle repose sur une barrière technologique significative difficile à lever.
3. Elle propose un avantage concurrentiel radical et différenciant.
4. Elle nécessite un cycle de développement long et souvent capitalistique.
Des applications à fort impact
Les deeptech couvrent un large spectre de domaines liés aux enjeux du XXIe siècle :
- En B2C : protéines alternatives, gaming immersif, réalités étendues.
- En B2B : cybersécurité, batteries nouvelle génération, agriculture verticale.
- En B2B2C : médecine augmentée par l’IA, thérapies immersives…
Pourquoi le financement public est essentiel pour les deeptech
Le cycle de vie d’une startup deeptech est plus long que celui d’une startup “classique”. R&D, industrialisation, certification, go-to-market : chaque phase demande du temps… et des moyens.
Or, cela pose plusieurs limites pour les financements privés :
Le capital-risque classique est peu adapté à des projets sans traction immédiate ni métriques simples.
Le roadshow est long et énergivore, souvent incompatible avec le temps scientifique nécessaire à la R&D.
La dilution des fondateurs peut devenir excessive sur des projets de 8 à 10 ans.
Les investisseurs eux-mêmes peinent parfois à définir des métriques d’analyse pertinentes selon les cas (burn, TRL, milestones…). Il faut donc penser le financement comme un continuum.
C’est dans ce contexte que les aides publiques interviennent : non-dilutives, ciblées, progressives.
Les principaux dispositifs de financement public français pour les deeptech
🎯 Le Plan Deeptech & PIA (Programmes d’investissements d’avenir)
Doté de plus de 2,3 milliards d’euros, le plan deeptech porté par Bpifrance vise à structurer le soutien à l’innovation de rupture.
📌 Axe 1 – Financement de l’industrialisation
Appel à projets « Première usine » (550 M€)
Prêts de 3 à 15 M€ pour usines pilotes ou démonstrateurs industriels
Entrées en fonds propres dans les projets les plus avancés
📌 Axe 2 – Soutien à l’émergence des deeptech
Bourse French Tech Emergence
Subvention jusqu’à 90 000 € pour les startups de moins d’un an, à fort contenu technologique.Aide au développement deeptech (ADD)
Jusqu’à 2 M€ en subvention + avance récupérable. Pour des projets de 12 à 36 mois, avec PoC validé.Fonds French Tech Seed
Obligations convertibles de 50 à 250 K€, en post-levée, pour les startups technologiques de moins de 3 ans.Concours i-Lab et i-PhD
Jusqu’à 600 K€ de subvention pour les projets issus de la recherche publique, portés par des profils scientifiques.
Bpifrance est l’acteur de référence pour ces dispositifs, avec une présence dans près de 50 antennes régionales, permettant un accompagnement de proximité.
📊 75 % des startups deeptech sont situées hors Île-de-France. (Source : Bpifrance)
📌 Axe 3 – Guichet unique pour les startups industrielles
Mis en place par la Mission French Tech, ce guichet vise à simplifier l’accès aux dispositifs existants, centraliser les infos et orienter les projets vers les bons interlocuteurs.
Le soutien européen aux startups deeptech
Horizon Europe –> “Europe plus innovante”
Le 3e pilier du programme Horizon Europe, doté de 13,6 milliards d’euros, vise à soutenir l’innovation à haut risque dans les technologies de rupture. Il met l’accent sur la montée en puissance des startups deeptech à l’échelle du continent.
Les principaux guichets :
EIC (Conseil européen de l’innovation) : subventions early stage, accompagnement, networking.
EIT (Institut européen d’innovation et de technologie) : financement mixte, equity, accompagnement.
EIF (Fonds européen d’investissement) : equity, dette, garanties. À partir de la série A.
BEI (Banque européenne d’investissement) : prêts + effet de levier sur levées en later-stage.
Exemple : en 2024, l’EIC a financé SiPearl (France) à hauteur de 17,5 M€ pour le développement de microprocesseurs pour supercalculateurs européens.
💡 Le programme Horizon Europe cible de plus en plus les projets “Deep Green” : des deeptech à impact environnemental positif.
Autres dispositifs internationaux
Le programme EUREKA
Réseau intergouvernemental (46 pays) pour le financement de projets collaboratifs entre entreprises innovantes.
Financement distribué par les agences nationales sous forme de subventions, prêts ou avances récupérables.

Le programme Eurostars
Initiative conjointe entre EUREKA et la Commission européenne. Cible les projets de R&D entre PME innovantes de 36 pays.
Financement assuré nationalement après sélection, selon les modalités propres à chaque pays.
Conclusion
Le financement public des deeptech ne se résume pas à quelques aides ponctuelles. C’est un véritable écosystème structuré, pensé pour accompagner l’innovation de rupture de l’idée à l’industrialisation, en passant par le prototype, la validation scientifique et la pré-commercialisation.
Les startups deeptech doivent s’emparer pleinement de ces outils, en les articulant avec des financements privés pour construire une trajectoire solide, lisible et pérenne.
Pour les États, miser sur la deeptech, c’est investir dans la souveraineté industrielle et technologique de demain.
Et pour les fondateurs, c’est l’opportunité de porter une vision ambitieuse, dans un cadre de soutien clair, coordonné… et accessible.