Le financement des startups de l’intelligence artificielle (IA)
L’intelligence artificielle (IA) est sans doute l’un des leviers technologiques les plus puissants de notre époque. Santé, finance, éducation, environnement : aucun secteur ne semble échapper à sa transformation. Et si l’Europe regorge de talents et de projets porteurs dans ce domaine, la question du financement reste un enjeu crucial.
À titre de comparaison, selon une étude de Roland Berger, en 2022, les startups européennes de l’IA ont levé 4,9 milliards d’euros, soit à peine 10 % du total mondial, contre 28,5 milliards pour les États-Unis et 23,2 milliards pour la Chine. Sur les quelque 2 500 startups IA en Europe, cela représente 15 % du marché mondial, là où les États-Unis en concentrent 40 %, et la Chine 30 %.
Pourquoi un tel écart ? Quelles opportunités, quels blocages, et surtout, quels leviers pour mieux financer les pépites IA européennes ?
L’essor de l’IA : une révolution technologique
L’IA regroupe des technologies visant à automatiser des tâches traditionnellement réservées à l’intelligence humaine : perception, raisonnement, apprentissage, décision ou encore créativité. Elle se décline en plusieurs branches clés :
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L’apprentissage automatique (machine learning) : des modèles capables d’apprendre à partir de données.
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L’apprentissage profond (deep learning) : basé sur des réseaux de neurones, notamment pour le traitement d’images, de texte ou de son.
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L’IA générative : capable de créer de nouveaux contenus (textes, images, sons) à partir d’un prompt ou d’une base statistique.
Cette explosion de l’IA est portée par trois grands accélérateurs :
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La montée en puissance des capacités de calcul (GPU, cloud, etc.)
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L’explosion des données disponibles
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L’amélioration continue des algorithmes
Exemples de startups IA européennes et mondiales
Speechmatics (Royaume-Uni) : reconnaissance vocale multilingue ultra-performante.
Deepl (Allemagne) : traduction automatique de haute qualité.
Mistral AI (France) : IA générative avancée.
DataRobot (USA) : automatisation du machine learning pour la détection d’anomalies.
Les grandes tendances qui redessinent le paysage IA.
L’IA ne cesse d’évoluer, avec des avancées aussi techniques qu’éthiques.
Quatre grandes dynamiques émergent :
1. IA hybride
Une combinaison entre IA symbolique (basée sur des règles logiques) et IA connexionniste (réseaux neuronaux), pour associer logique, explicabilité et performance.
2. IA explicable
L’explainable AI (XAI) permet de comprendre comment les modèles prennent leurs décisions, ce qui est crucial pour renforcer la confiance, la transparence et la sécurité.
3. IA augmentée
Il s’agit de faire travailler l’IA aux côtés de l’humain, pour le conseiller ou l’assister, sans chercher à le remplacer.
4. IA éthique
L’enjeu : intégrer des valeurs et des garde-fous dans la conception des systèmes (non-discrimination, respect de la vie privée, transparence…).
Des startups déjà en phase avec ces tendances
- Hybrid AI (France) : IA hybride pour des cas complexes (optimisation, planification).
- Fiddler Labs (États-Unis) : IA explicable avec visualisation des résultats.
- Cognixion (Canada) : IA augmentée pour la communication assistée via une interface cerveau-ordinateur.
- Sherpa AI (Espagne) : IA éthique respectueuse des données et transparente.
Les principales sources de financement pour les startups IA
1. Les fonds d’investissement
Le financement dilutif reste majoritaire. Les VC apportent du cash, un réseau, un suivi stratégique. En contrepartie, ils attendent :
Scalabilité
Avantage technologique
Traction marché
Retour sur investissement rapide
2. Les subventions publiques
Non dilutives, elles sont précieuses pour l’innovation, mais :
Sont très concurrentielles
Impliquent des délais et obligations administratives
Nécessitent un bon niveau de maturité et de structuration
3. Les concours
Visibilité, crédibilité, partenariats potentiels… à condition d’avoir un pitch clair et une différenciation nette. Exemple : Dataiku, lauréat du concours Data Intelligence (Bpifrance, 2015).
4. Le crowdfunding
Encore peu utilisé en IA deeptech, mais possible pour des projets avec une vocation grand public ou à fort storytelling. Ex. : Ulule, qui utilise l’IA pour optimiser ses campagnes.
Des levées de fonds notables dans l’IA :
💠Hugging Face (France) : 40 M$ levés en 2021 auprès de Lux Capital et A.Capital.
💠Snips (France) : financé via le programme Horizon 2020 (Union européenne).
💠Dataiku : multi-levées en série A/B/C auprès de grands VC.
💠Ulule : intègre l’IA dans sa plateforme pour affiner le ciblage et la performance.
Source : CB Insights – AI 100
Les défis à venir pour les startups IA
Même bien financées, les startups de l’IA font face à plusieurs grands challenges :
1. La concurrence
Face aux GAFAM et à la multiplication des projets IA, la différenciation est clé : se spécialiser ou coopérer.
2. La régulation
Avec l’AI Act européen en ligne de mire, les exigences juridiques et éthiques se renforcent. Il faut anticiper et participer au cadre réglementaire.
3. La rentabilité
Une techno puissante ne suffit pas : il faut un business model clair. Diversifier ses revenus (licence, SaaS, data) devient essentiel.
4. La pérennité
Savoir pivoter, se consolider, se projeter. En IA, les cycles sont rapides. Rester dans la course demande d’allier agilité et vision long terme.
Des exemples inspirants
Shift Technology (France) : IA contre la fraude à l’assurance, avec des partenariats solides (AXA, Generali) et un positionnement de niche.
- Darktrace (UK) : cybersécurité par IA auto-apprenante. Valorisation > 2 Mds$, +5000 clients, forte contribution à l’IA explicable et éthique.
Source : Microsoft Designer — Vers une Europe IA
Conclusion
L’intelligence artificielle est une opportunité majeure pour l’Europe. Mais pour que ses startups puissent rivaliser avec les géants américains ou chinois, le financement doit être plus accessible, plus structuré et plus stratégique.
Les startups IA doivent, elles, faire preuve :
de rigueur dans leur exécution,
de vision dans leur positionnement,
de responsabilité dans leur conception.
Et les financeurs doivent les soutenir non seulement pour leur rentabilité, mais aussi pour leur impact économique, technologique et sociétal.
L’IA européenne a de l’avenir — à condition de créer un écosystème de financement à sa hauteur.